Pendant que le chemin de l’Antea dessine une fleur autour de Fernando de Noronha, une équipe basée dans l’archipel tente de comprendre comment les oiseaux marins et les pêcheurs ‘la butinent’. L’équipe de ce ‘bateau immobile’ se compose de sept écologues, ornithologues et ingénieurs de pêches de l’IRD (UMR Marbec), du CNRS (CEBC Chizé), de l’Université fédérale rurale de Pernambuco (UFRPE) et de l’Université fédérale de Rio Grande do Sul (FURG).
- Equipe du ‘bateau immobile’ en visite sur l’Antea lors de son passage dans l’archipel. De gauche à droite : A. Bertrand (IRD, chef de mission de la campagne Abraços), G. Tavares (FUG), C. Barbraud (CNRS), S. Bertrand (IRD), K. Delord (CNRS), J. Gaiotto (FURG) - © Sophie Bertrand
Avril, c’est un mois de reproduction pour les fous masqués (Sula dactylatra). Leurs nids se trouvent sur des îlots secondaires de l’archipel, notamment Meio et Chapeu. Les chercheurs de l’équipe bénéficient du soutien des moyens à la mer des pompiers marins et de l’ONG Tamar pour s’y rendre.
- Ilot de Meio - © Sophie Bertrand
- Ilot de Meio, débarquement des scientifiques - © Sophie Bertrand
Les fous masqués nichent au sol, pondent en général deux œufs, mais n’élèvent qu’un seul poussin étant données les mœurs fratricides de l’espèce. Durant leur premier mois de vie, les poussins sont très exposés aux prédateurs (rats, crabes terrestres, frégates, etc.), à la forte chaleur et aux averses de pluie aussi fréquentes qu’intenses en cette saison (les chercheurs aussi d’ailleurs !).
- Ilot de Meio, colonie de fous masqués vue du ciel (photo par cerf-volant) - © Sophie Bertrand
- Ilot de Chapeu, colonie de fous masqués - © Sophie Bertrand
- Ilot de Chapeu - © Sophie Bertrand
Les deux parents se relaient donc pour alterner présence au nid et voyages en mer. De leurs voyages en mer (à environ 30-70 km de l’archipel), ils rapportent essentiellement des poissons volants, espèces pour lesquelles très peu de connaissances sont disponibles sur l’abondance, la distribution, la saisonnalité.
- Poisson volant régurgité par un fou masqué à son retour de mer - © Sophie Bertrand
Les chercheurs du ’bateau immobile’ équipent les oiseaux adultes d’enregistreurs GPS, de plongée et d’accéléromètres afin de comprendre quelles sont les zones d’alimentation et les comportements en mer pendant cette période critique d’élevage des poussins.
- Préparation des équipements à déployer : gps et accéléromètres combinés - © Sophie Bertrand
- Pose d’un GPS sur les rectrices d’un fou masqué, ilot de Meio - © Sophie Bertrand
En analysant conjointement ces informations aux données collectées par l’Antea, les chercheurs espèrent mieux comprendre comment la structuration de l’habitat marin conditionne le comportement des prédateurs supérieurs, et comment ces derniers s’orientent et se nourrissent dans ce qui paraît à première vue un grand désert bleu. Ces connaissances doivent alimenter par ailleurs une réflexion sur la pertinence de différents outils pour leur conservation.
Parmi les prédateurs supérieurs de l’écosystème, on trouve aussi la pêcherie artisanale de l’archipel. Petite flottille (moins de 10 unités), petites embarcations, alimentant principalement les auberges ou ’pousadas’ de l’île. La pêche se pratique surtout à la ligne trainante avec de l’appât vif (la ’sardinha’ ou le ’garapao’ dont les bancs fréquentent les plages de l’île). Les prises se composent surtout de barracudas, mais aussi de quelques carangues, thons et lutjans. Deux membres de l’équipage du ’bateau immobile’ s’embarquent chaque jour afin de documenter les zones fréquentées, les pratiques de pêche et les captures. Ces informations seront cruciales pour imaginer les outils de gouvernance qui permettront de concilier au mieux exploitation responsable et conservation dans cet archipel où tout dépend de la mer.
- © Sophie Bertrand
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